Blaise Pascal est né en 1623 à Clermont-Ferrand dans la famille du conseiller royal de la circonscription financière et fiscale d’Auvergne, Etienne Pascal, et de la fille d’un juge local, Antoinette Begon, décédée alors que son fils n’avait que deux ans et demi âgé d’un an et demi. La famille de Pascal appartenait à la «noblesse de robe» judiciaire. Le père de Pascal, intellectuel de grande formation, mathématicien doué et éducateur talentueux (dans l’esprit de la pédagogie humaniste de Montaigne), après la mort de sa femme, a consacré sa vie à ses enfants (il y avait deux autres filles dans la famille), qui a reçu une excellente éducation à la maison (grec ancien et latin, grammaire, mathématiques, histoire, géographie, etc.). À partir de 1631, la famille vit à Paris. Blaise a grandi comme un enfant très maladif et brillamment doué, qui a ensuite montré ses dons principalement en mathématiques et en physique, puis en invention, puis en écrits polémiques, en théologie et enfin en philosophie. Partout, son génie a laissé une marque lumineuse et unique.
Ma première pensée a été la science. A 10 ans, il avait déjà créé le «Traité des sons»; à 12 ans, en train de «jouer aux mathématiques», il redécouvre la géométrie euclidienne, atteignant le 32e théorème, après quoi il obtient «l’accès» à les «Principes d’Euclide», en les développant de manière créative. À l’âge de 13 ans, Blaise devient membre de «l’académie mathématique» de la maison du savant moine M. Mersenne, à laquelle appartenaient Descartes, Roberval, Desargues, le père de Pascal et d’autres. Pascal y pose les bases de la «géométrie projective» (par opposition à la «géométrie analytique» de Descartes) et à l’âge de 16 ans, il écrit «Une expérience sur les sections coniques», qui entre dans le fonds d’or des mathématiques. En 1640, la famille s’installe à Rouen, où le père est nommé intendant. Le poste nécessitait des calculs mathématiques complexes, et pour aider son père, le fils invente la première machine arithmétique de l’histoire. Le principe de base de son fonctionnement a également été utilisé dans les machines à additionner ultérieures. Ce mérite de Pascal a été très apprécié par N. Wiener. En termes de philosophie, Blaise a réalisé l’idée de Descartes sur l’automatisme de certaines fonctions mentales humaines.
Des années de travail intense pour améliorer la machine à calculer ont mis à mal la santé fragile de Pascal: dès l’âge de 19 ans, il a commencé à souffrir de graves maux de tête et il ne se sentait plus en bonne santé. En 1646, à la suite de la maladie de son père et de la visite de médecins jansénistes, Blaise fit son «premier appel» à la religion chrétienne, il en devint un ardent adepte et emmena toute la famille avec lui. Cependant, de nouvelles recherches scientifiques dans le domaine de l’hydrostatique et des expériences complexes avec le vide éloignent Pascal de la religion. L’opinion scolastique selon laquelle «la nature a peur du vide» est réfuté par lui dans de brillantes expériences avec le «vide de Torricelli». Il découvre la fameuse «loi de Pascal» et devient l’un des fondateurs de l’hydrostatique. Mais au cours de l’été 1647, il tomba gravement malade (paralysie de la jambe) et fut contraint de se rendre à Paris pour se faire soigner. En septembre 1647, Pascal malade reçut la visite de Descartes, à qui on montra une machine à calculer, ainsi que quelques expériences sur le vide. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’il y avait dans le tube au-dessus du mercure, Descartes a répondu: «La matière la plus fine», à laquelle Pascal n’a jamais cru, mais n’a pas discuté avec le grand scientifique et philosophe. En fait, les scientifiques parlaient de différentes choses: Descartes – du vide métaphysique absolu, qu’il rejetait et avait raison en cela (des anciens, Parménide, Zénon d’Ele, Empédocle, Aristote rejetaient le vide dans la nature), et Pascal – de le «vide visible» physique, relatif, provoqué par la pression de l’air, et il avait également raison. En octobre paraît le pamphlet de Pascal «Nouvelles expériences sur le vide», auquel Descartes, dans une lettre au père de Huygens, répond de manière très désobligeante, affirmant que «le jeune homme a trop de vide dans la tête». Mais lorsqu’un an plus tard Pascal réalisa la «grande expérience sur l’équilibre des liquides», qui finit par enterrer le dogme «de la peur du vide», Descartes revendiqua soudain la priorité (il aurait donné l’idée de cette expérience lors de leur rencontre avec ). C’était une grosse nuisance pour le jeune scientifique, mais il ne s’est pas joint au combat et l’histoire des sciences lui a laissé la priorité. En 1651, il écrivit un «Traité du vide» résumant toutes ses expériences avec le vide, qui, pour une raison quelconque, ne fut pas publié: peut-être les Jésuites alors tout-puissants, dirigés par le recteur du Collège de Clermont à Paris, le Père Noël (ancien professeur de Descartes), s’est vivement opposé à la découverte de Pascal, le traité n’a pas encore été retrouvé, il n’en reste que la fameuse «Préface», petit chef-d’œuvre épistémologique dans lequel le jeune auteur formait une sorte de «Manifeste» pour la science de les temps modernes, affirmant la liberté de la recherche scientifique, l’indépendance des autorités anciennes et scolastiques, fondamental le rôle des expériences dans les sciences naturelles, prônant le progrès sans fin de la connaissance scientifique, proposant une classification originale des sciences. La science était le destin de Pascal. La «grande vie» recommandée par les médecins se transforme d’abord en ses nouvelles recherches scientifiques et la découverte de la théorie des probabilités (dans l’analyse des jeux de hasard), puis se termine en novembre 1654 par un incident tragique sur le pont sur la Seine,grâce à quoi il a miraculeusement survécu. Voyant le «doigt de Dieu» dans son salut, Pascal se rendit en janvier 1655 au monastère de Port-Royal (sans tonsure de moine), où sa sœur bien-aimée Jacqueline était religieuse depuis 3 ans. C’est ainsi qu’a eu lieu sa «deuxième conversion» à la religion, qui s’est avérée définitive, et pendant les 8 dernières années, ce n’était plus la vie, mais «vivre» avec un épuisement ascétique de lui-même par le jeûne et les prières. Cependant, ce service sévère rendu à Dieu l’a guéri et fortifié, de sorte que toutes ces années ont été remplies d’une créativité persistante et variée. Pascal rejoint aussitôt la lutte des jansénistes de Port-Royal, menée par le «grand Antoine Arnault» contre les jésuites, au cours de laquelle il écrit les fameuses «Lettres à un provincial» (1657), pamphlet anticlérical, brillant, comédie satirique contre les Jésuites, qui écrasait de rire l’ordre puissant.” Pascal a également écrit de nombreux ouvrages théologiques: «Une brève histoire de Jésus-Christ» (1656), «Essais sur la grâce» (1658), «Prière pour le bien des maladies» (1659), etc. pour écrire «Apologie de la religion chrétienne», sur lequel il a travaillé jusqu’à la fin de ses jours, mais n’a jamais réussi à l’achever, laissant plus de 1000 fragments sur des feuilles séparées, en partie sélectionnés thématiquement dans des paquets séparés. Ils furent publiés par Port-Royal en 1669 et 1670 intitulé «Pensées sur la religion et quelques autres sujets», avec la main légère de Voltaire – simplement «Pensées». Malgré leur caractère incomplet, de nombreux fragments, dans leur richesse idéologique et leur style brillant, représentent de «petits chefs-d’œuvre». La meilleure édition non seulement des Pensées, mais de toutes les autres œuvres de Pascal, «d’après le manuscrit», est présentée par Louis Lafuma (voir 1). Dans son contenu, les «Pensées» ne se réduisent pas à une «apologie de la religion», mais représentent une œuvre philosophique d’un penseur religieux, qui y soulève à la fois les «problèmes éternels» de la philosophie et ceux pertinents à son époque. Pascal ne quitte pas la recherche scientifique à Port-Royal en 1658 – 1659. Ayant écrit un certain nombre d’ouvrages sur les mathématiques (analyse des infinitésimaux), qui constituent un volume entier, dans lesquels il se rapproche de la découverte de l’analyse mathématique. Il mourut «à 39 ans de vieillesse», selon Jean Racine, tant son corps était usé par un stress constant: «un martyr de la science», diront les biographes. Déjà de son vivant, on l’appelait «l’Archimède français», «le Dante français» et «Racine en prose», «le saint de Port-Royal». Tournons-nous vers ses vues philosophiques et théologiques.Pascal rejoint aussitôt la lutte des jansénistes de Port-Royal, menée par le «grand Antoine Arnault» contre les jésuites, au cours de laquelle il écrit les fameuses «Lettres à un provincial» (1657), pamphlet anticlérical, brillant, comédie satirique contre les Jésuites, qui écrasait de rire l’ordre puissant.” Pascal a également écrit de nombreux ouvrages théologiques: «Une brève histoire de Jésus-Christ » (1656), «Essais sur la grâce» (1658), «Prière pour le bien des maladies» (1659), etc. pour écrire «Apologie de la religion chrétienne », sur lequel il a travaillé jusqu’à la fin de ses jours, mais n’a jamais réussi à l’achever, laissant plus de 1000 fragments sur des feuilles séparées, en partie sélectionnés thématiquement dans des paquets séparés. Ils furent publiés par Port-Royal en 1669 et 1670 intitulé «Pensées sur la religion et quelques autres sujets», avec la main légère de Voltaire – simplement «Pensées». Malgré leur caractère incomplet, de nombreux fragments, dans leur richesse idéologique et leur style brillant, représentent de «petits chefs-d’œuvre». La meilleure édition non seulement des Pensées, mais aussi de toutes les autres œuvres de Pascal, «d’après le manuscrit», est présentée par Louis Lafuma (voir 1). Dans son contenu, les «Pensées» ne se réduisent pas à une «apologie de la religion», mais représentent l’œuvre philosophique d’un penseur religieux, qui y soulève à la fois les «problèmes éternels» de la philosophie et ceux pertinents à son époque. Pascal ne quitte pas la recherche scientifique à Port-Royal en 1658 – 1659. Ayant écrit un certain nombre d’ouvrages sur les mathématiques (analyse des infinitésimaux), qui constituent un volume entier, dans lesquels il se rapproche de la découverte de l’analyse mathématique. Il mourut «à 39 ans de vieillesse», selon Jean Racine, tant son corps était usé par un stress constant: «un martyr de la science», diront les biographes. Déjà de son vivant, on l’appelait «l’Archimède français», «le Dante français» et «Racine en prose», «le saint de Port-Royal». Tournons-nous vers ses vues philosophiques et théologiques. Pascal rejoint aussitôt la lutte des jansénistes de Port-Royal, menée par le «grand Antoine Arnault» contre les jésuites, au cours de laquelle il écrit les fameuses «Lettres à un provincial» (1657), pamphlet anticlérical, brillant, comédie satirique contre les Jésuites, qui écrasait de rire l’ordre puissant.” Pascal a également écrit de nombreux ouvrages théologiques: «Une brève histoire de Jésus-Christ» (1656), «Essais sur la grâce» (1658), «Prière pour le bien des maladies» (1659), etc. pour écrire «Apologie de la religion chrétienne», sur lequel il a travaillé jusqu’à la fin de ses jours, mais n’a jamais réussi à l’achever, laissant plus de 1000 fragments sur des feuilles séparées, en partie sélectionnés thématiquement dans des paquets séparés. Ils furent publiés par Port-Royal en 1669 et 1670. intitulé «Pensées sur la religion et quelques autres sujets», avec la main légère de Voltaire – simplement «Pensées». Malgré leur caractère incomplet, de nombreux fragments, dans leur richesse idéologique et leur style brillant, représentent de «petits chefs-d’œuvre». La meilleure édition non seulement des Pensées, mais aussi de toutes les autres œuvres de Pascal, «d’après le manuscrit», est présentée par Louis Lafuma (voir 1). Dans son contenu, les «Pensées» ne se réduisent pas à une «apologie de la religion», mais représentent l’œuvre philosophique d’un penseur religieux, qui y soulève à la fois les «problèmes éternels» de la philosophie et ceux pertinents à son époque. Pascal ne quitte pas la recherche scientifique à Port-Royal en 1658 – 1659. ayant écrit un certain nombre d’ouvrages sur les mathématiques (analyse des infinitésimaux), totalisant un volume entier, dans lesquels il se rapproche de la découverte de l’analyse mathématique. Il mourut «à 39 ans de vieillesse», selon Jean Racine, tant son corps était usé par un stress constant: «un martyr de la science», diront les biographes. Déjà de son vivant, on l’appelait «l’Archimède français», «le Dante français» et «Racine en prose», «le saint de Port-Royal». Tournons-nous vers ses vues philosophiques et théologiques.Dans son contenu, les «Pensées» ne se réduisent pas à une «apologie de la religion», mais représentent l’œuvre philosophique d’un penseur religieux, qui y soulève à la fois les «problèmes éternels» de la philosophie et ceux pertinents à son époque. Pascal ne quitte pas la recherche scientifique à Port-Royal en 1658 – 1659. ayant écrit un certain nombre d’ouvrages sur les mathématiques (analyse des infinitésimaux), totalisant un volume entier, dans lesquels il se rapproche de la découverte de l’analyse mathématique. Il mourut «à 39 ans de vieillesse», selon Jean Racine, tant son corps était usé par un stress constant: «un martyr de la science», diront les biographes. Déjà de son vivant, on l’appelait «l’Archimède français», «le Dante français» et «Racine en prose», «le saint de Port-Royal». Tournons-nous vers ses vues philosophiques et théologiques.Dans son contenu, les «Pensées» ne se réduisent pas à une «apologie de la religion», mais représentent l’œuvre philosophique d’un penseur religieux, qui y soulève à la fois les «problèmes éternels» de la philosophie et ceux pertinents à son époque. Pascal ne quitte pas la recherche scientifique à Port-Royal en 1658 – 1659. ayant écrit un certain nombre d’ouvrages sur les mathématiques (analyse des infinitésimaux), totalisant un volume entier, dans lesquels il se rapproche de la découverte de l’analyse mathématique. Il mourut «à 39 ans de vieillesse», selon Jean Racine, tant son corps était usé par un stress constant: «un martyr de la science», diront les biographes. Déjà de son vivant, on l’appelait «l’Archimède français», «le Dante français» et «Racine en prose», «le saint de Port-Royal». Tournons-nous vers ses vues philosophiques et théologiques.
Pascal occupe une «niche unique» dans la philosophie européenne, «un philosophe hors de la philosophie» avec son credo philosophique: «Rire de la philosophie, c’est vraiment philosopher» (5:576, fr. 513)
[21] . Quant à la métaphysique traditionnelle, la philosophie «ne vaut pas une heure de travail» (5:510, fr. 84). Les études scientifiques lui ont inculqué le «goût du concret», de la recherche expérimentale et lui ont inculqué une méfiance à l’égard de la philosophie abstraite et de la spéculation scolastique. En même temps, Pascal est un «philosophe de Dieu» doté d’une intuition philosophique innée, qui l’a dirigé vers les «fondements ultimes» de l’être et de la connaissance, les «principes suprêmes de la philosophie» (V. Solovyov). Au «siècle de raison», il défend les «prérogatives du cœur» et crée une «métaphysique du cœur» originale en plus de la «métaphysique de l’esprit». Si Descartes est considéré comme le «père» de la philosophie européenne moderne, alors Pascal devrait être appelé sa «mère», avec ses propriétés inhérentes de miséricorde, de douceur, de tolérance et d’humanité.
La «philosophie du cœur» est un phénomène inédit en Europe. Par conséquent, sa «voix dans le cœur» était «la voix de celui qui crie dans le désert». Ce n’est qu’en Russie qu’on l’a entendu, où sa propre «métaphysique du cœur» s’est développée (I. Kireevsky, Khomyakov, Yurkevich, Florensky, Vysheslavtsev, I. Ilyin, les Roerich, D. Andreev, etc.). “L’âme de Pascal” est proche de la “mystérieuse âme russe”. Les fonctions du «cœur» chez Pascal sont diverses et fondamentales: en épistémologie, le «cœur» ressent les «premiers principes» de l’être et de la connaissance et est l’organe de «l’intuition sensorielle»; en anthropologie, il est le fondement profond de l’être et de la connaissance; la personnalité; en éthique, c’est un sujet d’ordre moral; en théologie, c’est le cœur qui ressent Dieu.
Malgré toute l’originalité de Pascal, il y a des penseurs qui l’ont profondément influencé. Il s’agit avant tout d’Augustin avec son interprétation religieuse-spiritualiste de l’homme, la doctrine de la continuité du péché originel et du besoin de la grâce divine, et le parallélisme psychophysique. Mais pour lui, le fanatisme religieux d’Augustin, son intolérance envers les hérétiques et les athées et sa confiance dans l’autorité inconditionnelle de l’Église sont totalement inacceptables. Puis Montaigne avec une évaluation «sobre» de la raison avec sa grandeur et son insignifiance, la lutte pour une «science nouvelle expérimentale» contre la scolastique, le respect du peuple et la «sagesse populaire», mais Pascal n’accepte pas son «pyrrhonisme insidieux» et «un épicurisme moral qui protège les pécheurs.» Enfin, Descartes est son «éternel ennemi idéologique», chez qui il critique le concept de «matière subtile», ironise sur sa physique, qu’il considère «comme un roman sur la nature comme un roman sur Don Quichotte» (5:641, fr. 10008), non «digère» son dogmatisme, son scientisme, son rationalisme et son mécanisme (les idées de «monde-machine» et d’«organisme automatique»). Mais, d’une part, grâce à Descartes, il a commencé à se familiariser avec la philosophie, deuxièmement, il a appris de lui le «grand principe de la pensée» (V. Cousin) et l’a développé de manière créative, troisièmement, il a hautement apprécié sa méthode axiomatique-déductive et a donné son développement de la «méthode géométrique».
Épistémologie et méthodologie. Le credo épistémologique de Pascal semble très étrange pour les métaphysiciens occidentaux: «Nous comprenons la vérité non seulement avec notre esprit, mais aussi avec notre cœur» (5:512, fr. 110), mais il est naturel pour le «bon sens» d’une personne . Le cœur comprend les «premiers principes de l’existence» comme l’espace, le temps, l’infini, le mouvement, le nombre, etc. Pour Descartes, c’est l’apanage de «l’intuition intellectuelle» et pour Pascal, de «l’intuition sensorielle du cœur». Ainsi, chez lui, «les principes se sentent, les théorèmes se prouvent par la raison, tous deux avec certitude, quoique de différentes manières» (ibid.). «Les sentiments en eux-mêmes», dit Pascal, «ne trompent jamais», et la raison est forte en définitions et en preuves, mais elle n’est pas le seul critère de vérité, le «principe le plus élevé» en matière de connaissance, car elle peut se tromper, éprouver différentes influences: imagination, intérêts, passions, etc. L’esprit est donc une «girouette dans le vent» de toutes ces influences : il est à la fois grand et insignifiant, comme l’homme lui-même. Pascal démystifie la «grandeur absolue» de la raison et reconnaît sa «relative insignifianc », «aplanie» par les sentiments, le cœur et l’amour, car chez lui «la vérité se comprend aussi par l’amour». Il n’absolutise aucune des capacités épistémologiques, mais chacune définit ses propres sphères et limites d’application et de fiabilité. Ainsi, la puissance scientifique de la preuve de la raison est impuissante en anthropologie philosophique, en éthique, en psychologie et en religion, où la priorité appartient au «cœur» plutôt qu’à l’esprit. Toutes les capacités sont spécifiques et ne se remplacent pas: de même qu’il serait ridicule d’exiger du «cœur» la preuve de ses «sentiments», il serait tout aussi ridicule d’exiger de l’esprit «le sentiment de ses théorèmes». Pascal procède de l’ancien idéal de vérité, éternel, intemporel et indestructible, qui n’est pas entièrement accessible à l’homme. Le fait est que le cosmos et le monde tout entier qui l’entoure sont infinis en largeur et en profondeur («infini dans le grand» et «infini dans le petit»: la petite tique est «infinie dans le petit», comme toutes choses dans le monde): «L’ensemble du monde visible n’est qu’à peine une touche distincte dans le vaste sein de la nature» (5: 526, fr. 199). Pour comprendre cet infini, il faut avoir une capacité de connaissance infinie, ce que l’homme ne possède pas. De plus, «tout dans le monde est connecté à tout»: une partie est avec le tout et avec d’autres parties, le tout est avec des parties, et pour comprendre le tout, il faut connaître toutes les parties, et c’est encore une fois impossible. L’homme occupe une position intermédiaire dans le monde, «rien comparé à l’infini, tout comparé à la non-existence, intermédiaire entre tout et rien, infiniment éloigné de la compréhension des limites extrêmes; les fins et les commencements des choses lui sont cachés dans un secret impénétrable. Il est également incapable de voir la non-existence dont il est extrait et l’infini qui l’absorbe» (ibid.). Pour renforcer l’impression de deux limites extrêmes, Pascal introduit l’image de «l’abîme» dans ses deux «sommets» – «l’abîme de l’infini» et «l’abîme de la non-existence», entre lesquels l’homme est tragiquement «crucifié». Ainsi, certains spécialistes de Pascal évaluent à tort sa position épistémologique comme «sceptique» (Cousin, M. Filippov) ou même comme «agnostique» (dans l’esprit de Kant) (A.D.Gouliaev, L. Goldman). Mais M. Legerne a plus raison, qui trouve quelque chose de commun entre Descartes et Pascal dans leur lutte contre le scepticisme. Ce n’est pas pour rien que Pascal appréciait l’optimisme épistémologique de Descartes et s’opposait lui-même au «pyrrhonisme insidieux», notant raisonnablement que si nous ne pouvons pas «tout savoir», cela ne veut pas dire que nous ne savons «rien». Il ressent subtilement la dialectique de la vérité absolue et relative, reconnaissant la «fiabilité» au niveau des sentiments extérieurs, de la raison, des «intuitions du cœur», et en plus, en tant que créateur de la théorie des probabilités, il est convaincu de l’objectivité et la fiabilité des «connaissances probabilistes». De ce fait, disait Pascal, «nous portons en nous une idée de vérité irrésistible à tout pyrrhonisme».
Pour acquérir des connaissances fiables, il développe une «méthode géométrique» axiomatique-déductive. «Lorsqu’on étudie la vérité, estime-t-il, trois objectifs principaux peuvent être fixés: découvrir la vérité lorsqu’elle est recherchée; prouver quand il a été trouvé; enfin, le distinguer du mensonge lorsqu’on l’examine» (3: 434). Puisqu’il n’existe pas de règles générales pour l’heuristique, Pascal accorde une attention particulière à la méthode de la «Science de la Preuve» de la vérité. L’idée de la «méthode parfaite» est très simple: définir tous les termes, prouver tous les points et les remettre dans le bon ordre. Mais il est impossible de définir et de prouver «tout» (en raison de la «régression vers l’infini»), ce qui signifie que nous devons agir comme des géomètres qui ne définissent pas les «termes primaires» et ne prouvent pas les axiomes, définissant et prouvant «tout le reste». Et «ce qui dépasse la géométrie nous dépasse» (3: 435) – ce célèbre aphorisme de Pascal était très populaire au «siècle de raison». Pour les définitions, axiomes et preuves «parfaites», il a développé ses propres règles.
Pour les définitions.
Ne définissez aucun terme complètement connu. N’utilisez pas de termes obscurs ou ambigus sans définition. Utilisez uniquement des termes connus ou déjà expliqués dans les définitions.
Pour les axiomes.
N’acceptez pas sans examen les principes nécessaires, aussi clairs soient-ils.
Ne corrigez que les dispositions tout à fait évidentes dans les axiomes.
Pour preuve.
Ne prouvez pas des propositions qui sont évidentes en elles-mêmes.
Démontrez toutes les dispositions pas tout à fait claires en utilisant uniquement des axiomes évidents ou des dispositions déjà prouvées.
Lors de la preuve, n’abusez pas de l’ambiguïté des termes, en substituant mentalement des définitions à la place des termes définis (voir 3:453 – 455).
Le respect des premières règles dans les trois divisions n’est pas aussi nécessaire (cela ne conduira pas à des erreurs grossières) que toutes les autres, qui sont absolument nécessaires pour une preuve stricte. Pascal explique qu’il ne parle pas de «définitions d’essence», mais seulement de «définitions nominales» pour «la clarté et la brièveté du discours». Il aime anticiper les objections de ses adversaires (cette méthode n’est pas nouvelle, triviale et applicable uniquement en géométrie) et répond d’avance: «Il n’y a rien de plus inconnu, de plus difficile en pratique et de plus utile et universel» (3: 357) . Oui, les scolastiques connaissaient de nombreuses règles, mais ils ne parvenaient pas à identifier les principales, comme «les pierres précieuses parmi les pierres simples». L’universalité de la méthode tient à la brièveté du discours mathématique, à sa «capacité de contenu», utiles à toutes les sciences et à la culture dans son ensemble. Pascal lui-même s’est rendu compte de cet avantage de la méthode dans ses brillants aphorismes. Sa méthode était pleinement incluse dans «La logique ou l’art de penser» de Port-Royal.
La «science de la preuve» de la vérité est complétée par lui par «l’art de la persuasion», car une personne connaissante n’est pas une «abstraction d’un sujet épistémologique», un «automate spirituel» (Spinoza), mais un être vivant, personne concrète, un «sujet existentiel» qui «expérimente» la vérité, l’aime ou la déteste, l’accepte avec sa volonté et son «cœur» ou la rejette, et «le cœur a ses propres lois, que l’esprit ne connaît pas» ( 5: 552, fr.423). Pour «atteindre le cœur» d’une personne, il faut «l’art de persuader» ou «l’art de l’accord» («être agréable»), qui est plus difficile, plus subtil, «délicieux» que la «science de preuve.” C’est difficile, se plaint Pascal, car les «principes du cœur et de la volonté» varient d’un sujet à l’autre, et il n’est pas capable de formuler des règles généralement valables. Peut-être que quelqu’un d’autre, espère-t-il, pourra le faire. Cependant, Pascal lui-même a utilisé, sinon des règles générales, du moins certaines techniques de «l’art de persuader», qui ont donné à son discours éclat, expressivité, émotivité, conviction passionnée et «intelligibilité au cœur» des lecteurs. Parmi ceux-ci, on peut noter: 1) une abondance d’images et de peintures impressionnantes («roseau pensant», infini-abîme, vie face à la mort comme «cortège de prisonniers vers l’exécution», etc.); 2) sa sincérité en tant qu’auteur; 3) la simplicité et le naturel, l’absence de mensonge, de faux pathétique, d’affectation: «les meilleurs livres sont ceux, en lisant, dont les gens croiraient qu’ils pourraient les écrire eux-mêmes» (5: 356); 4) L’ouverture émotionnelle de Pascal aux gens. Non seulement il approuve ceux qui «cherchent la vérité avec un soupir», mais lui-même «la cherche avec un gémissement». Léon Tolstoï croyait que Pascal écrivait «avec le sang de son cœur», c’est ainsi qu’il soudoyait le «cœur» de ses lecteurs; 5) l’utilisation des techniques de «bonne conversation orale» dans le discours écrit avec sa sincérité et sa confiance; 6) la capacité de voir la justesse de ses adversaires idéologiques, la tolérance à l’égard de la dissidence; 7) expression de la vérité à travers des contradictions sous forme de paradoxes qui, «comme des éclats», restent coincées dans la conscience. «L’art de la persuasion» est une sorte de «psychologie cognitive» et son sujet est la personnalité existentielle.
Anthropologie philosophique. L’homme est le point de départ et le but final des aspirations philosophiques de Pascal. Si sa «première pensée» était la science, alors sa «deuxième pensée» était l’homme et seule sa «troisième pensée» était Dieu, car dans la religion il voyait la «clé universelle» pour résoudre les problèmes humains. Ayant commencé à étudier le «sort humain» (sous l’influence de la lecture des Essais de Montaigne, des livres de C. Jansen, notamment «De l’homme intérieur»), il découvre l’étonnant sous-développement de la science de l’homme et résume: «Le l’incapacité d’étudier l’homme nous oblige à étudier tout le reste. Pendant ce temps, «avec mon ignorance morale», en est convaincu Pascal, «la science des choses extérieures ne me consolera pas dans un moment de douleur, tandis que la science morale me consolera toujours dans mon ignorance des choses extérieures» (5: 503, fr.23). Ainsi, «vous avez besoin de vous connaître, si cela ne vous aide pas à trouver la vérité, alors au moins cela vous aidera à bien diriger votre vie, et c’est là que réside toute justice» (5: 508, fr. 72). Mais lorsqu’on étudie une personne, la «méthode géométrique» stricte s’avère impuissante, car ici il est impossible de donner des définitions sans ambiguïté (les philosophes, par exemple, ont 288 opinions différentes sur le Bien Suprême et la même «discorde» d’opinions sur le bonheur, le bien et le mal, le sens de la vie, etc.), ni de tout ranger dans un ordre axiomatique-déductif. Pascal décida alors de partir d’observations expérimentales de la vie humaine, et la première chose qui le frappa fut «l’abîme des contradictions» dans l’homme, comme s’il avait «non pas une âme», mais «plusieurs âmes» qui se combattaient. “L’homme est infiniment supérieur à l’homme.” Il fixe l’antinomie principale – la «grandeur» et «l’insignifiance» de l’homme. «Toute la grandeur d’un homme est dans sa pensée», répète à maintes reprises Pascal dans ses Pensées. Voici son célèbre fragment: «L’homme est le roseau le plus faible de la nature, mais un roseau pensant. Il n’est pas nécessaire que l’Univers tout entier se lève pour l’écraser: un couple, une goutte d’eau suffit à le tuer; mais si l’Univers devait le détruire, alors la personne est encore plus noble que ce qui la tue, car elle sait qu’elle est en train de mourir, elle connaît aussi la supériorité qu’elle a sur elle, mais l’Univers n’en sait rien. Ainsi, toute notre dignité réside dans la pensée. Seulement, c’est lui qui nous élève, et non l’espace et le temps, que nous ne pouvons remplir. Efforçons-nous de bien penser: telle est la base de la morale» (5: 528, fr. 200).
Et pourtant, cette «note cartésienne» ne domine pas dans sa vision du monde, car il existe un «bon cœur» qui ressent Dieu et plein d’amour pour les gens, qui est plus haut, plus noble qu’un esprit bien raisonné. C’est le «cœur» qui constitue la base profonde de la personnalité, le noyau spirituel de «l’homme intérieur» (sincère, non feint, «authentique»), par opposition à «l’homme extérieur», qui est contrôlé par la «girouette» esprit, qui ne vient pas de l’amour et de la miséricorde, mais d’arguments et de preuves «froids». Par conséquent, le «cœur» est un «sujet d’ordre moral» comme le plus élevé des trois ordres d’être, non réductibles les uns aux autres: tout comme de tous les corps de la nature pris ensemble, on ne peut obtenir un seul «grain d’être» esprit, donc de tous les esprits pris ensemble, pour ne pas recevoir un «grain d’amour», car c’est «un autre ordre» (voir 5: 540, fr. 308). L’«ordre moral de l’être» est tellement supérieur à l’ intellectuel», et plus encore au «physique», que Pascal le considère comme «surnaturel», remontant à Dieu lui-même. Ainsi, le Pascal mûr a surmonté son rationalisme juvénile et «a mis la raison à sa place», sans l’absolutiser, comme Descartes, mais sans la dénigrer non plus. Oui, «toute la grandeur d’une personne est dans la pensée», répète Pascal en soupirant tristement: «Mais comme elle est bête! Parfois, il parle ironiquement de «l’insignifiance» de l’esprit: Quel drôle de héros!
Une mouche bourdonne au-dessus de son oreille et maintenant il n’est plus capable de «bien penser». Hélas, beaucoup de choses «arrachent l’esprit de ses gonds»: l’imagination, la maladie, l’intérêt personnel, les passions, etc. Néanmoins, la pensée est un attribut, une propriété essentielle d’une personne: «on peut imaginer une personne sans bras, sans jambes et sans jambes même sans tête… mais on ne peut pas imaginer une personne sans pensées. Ce serait une pierre ou un animal» (5: 513, fr. 111). Mais le «cœur» humain est également caractérisé par la «grandeur» et «l’insignifiance», car il contient à la fois la foi en Dieu et «les abîmes de l’amour et de la miséricorde envers les hommes», ainsi que, hélas, «l’abîme de l’égoïsme et du péché» ( voir 5: 635 – 636, fr. 978). C’est la «grandeur» et «l’insignifiance» morales de l’homme. La «grandeur» et l’«insignifiance» ontologiques sont clairement visibles dans le fragment sur le «roseau pensant». Elle est également démontrée par la haute dignité spirituelle de la vie et en même temps par sa courte durée à l’échelle de l’Univers: «Une ombre qui a brillé un instant et a disparu pour toujours». En termes d’épistémologie, la «grandeur» réside dans l’amour de la vérité, la recherche de celle-ci et son acquisition, «le progrès sans fin de la connaissance», et «l’insignifiance» réside dans les illusions et les erreurs, l’incapacité de connaître la plénitude de la vérité absolue. En un mot, «grandeur» et «insignifiance» sont si «organiquement liées» chez une personne qu’elles représentent une sorte de «mystérieux paradoxe» de son essence même: «la grandeur d’une personne est si évidente qu’elle découle de son insignifiance» et, inversement, «toute insignifiance, l’homme lui-même prouve sa grandeur. C’est le néant du grand seigneur. L’insignifiance d’un roi privé de son trône» (5: 513, fr. 117, 116). «Le mystère de l’être humain» n’est soumis ni à la science ni à la philosophie laïque: c’est seulement dans la religion chrétienne que Pascal a trouvé la clé pour le résoudre: le péché originel a fondamentalement endommagé la perfection originelle, c’est-à-dire la grandeur de l’homme donnée par Dieu, et l’a jeté dans «l’abîme de l’insignifiance», c’est pourquoi les deux principes en lui sont en éternel affrontement. Il comprend parfaitement qu’une telle explication est un «scandale pour l’esprit», mais sans le «mystère du péché originel», une personne est encore plus incompréhensible que ce «mystère» n’est incompréhensible pour une personne. «Le sort humain» – vanité, soucis, anxiété, impermanence, souffrance mentale et physique – donne lieu à la «dialectique tragique» de son existence, à la fois individuelle et sociale. La société est gouvernée par la force, et non par la raison; les guerres («le pire des maux») et non la paix civile («le plus grand des biens») dominent. Parmi les maux et les maux sociaux, Pascal rêve d’un «empire de la raison», d’un «absolutisme éclairé», par opposition à un «empire du pouvoir», de la violence et de l’injustice. La tragédie de la vie humaine, l’impossibilité d’atteindre la paix et le bonheur dans ce monde l’obligent à rechercher le Bien le plus élevé non dans quelques biens terrestres transitoires, mais en Dieu, objet absolu de l’amour, source de consolation et de salut.
Enseigner Dieu. Toutes les «impasses» et tous les paradoxes de la philosophie de Pascal «convergent» dans sa doctrine religieuse et y trouvent leur solution absolue. Seule la religion chrétienne, en est-il convaincu, explique bien les contradictions, les antinomies et les mystères de l’être humain, elle est donc la seule vraie religion: «La vraie nature de l’homme, sa bonté, sa vertu, ainsi que la vraie religion, sont inséparables. les uns des autres et ne se connaissent que dans l’unité» (5: 548, fr. 393). Il réduit le «mystère de l’anthropologie» au «mystère de la théologie» et son explication religieuse de l’homme se transforme en une justification anthropologique et psychologique de la religion. Pascal, contrairement à Descartes et à tous les déistes, professe non pas une «religion de l’esprit», mais une «religion du cœur»: «Le cœur sent Dieu, pas l’esprit. Voilà ce qu’est la foi» (5: 552, fr. 424), car il est également incompréhensible de raisonner que Dieu existe et qu’il n’existe pas. La raison, selon Pascal, est une «autorité extérieure» chez une personne qui n’affecte pas son «essence profonde». Au niveau de la raison, la foi est instable et superficielle, comme si elle «glissait à travers l’âme», la touchait à peine, fluctuant selon la force ou la «lourdeur» des arguments «pour et contre». Ainsi, des trois voies menant à la foi – la raison, l’habitude et «l’inspiration» – il considère la raison comme la plus peu fiable lorsqu’elle détermine la position de départ. En attendant, elle ne peut jouer qu’un «rôle secondaire» lorsque la foi existe déjà comme un fait. La psychologie la plus subtile de la foi ne repose pas sur une clarté rationnelle forcée, mais sur «le mystère de l’élection libre et absolue de l’homme à Dieu». Le «sacrement de la foi», comme le «sacrement d’amour», est un don de Dieu: dans les deux cas, «les mariages ont lieu au ciel», selon «l’inspiration de Dieu». Et toute «inquisition extérieure» est ici impuissante, y compris «l’inquisition de la raison». Toute agitation pour ou contre la foi religieuse, personnelle ou sociale est totalement dénuée de sens et même immorale, tout comme «l’agitation pour ou contre l’amour». Il existe une sorte d’«antinomie entre la foi et l’évidence»: plus il y a de ces dernières, moins il y a de foi, et plus il y a de foi, moins il faut de preuves. Par la suite, G. Marcel dira que l’évidence est un «scandale pour la foi». Dans cette optique, une opinion paradoxale du croyant Pascal est compréhensible: «L’athéisme est un signe (marque) de la force de l’esprit, mais seulement dans une certaine mesure» (5: 522, fr. 157). Les éditeurs de Port-Royal n’ont pas compris «leur saint» et ont corrigé la marque à manque, ils ont juste changé une lettre et ont obtenu le «sens qui leur plaisait»: «L’athéisme est un manque d’intelligence…» – mais Pascal n’a pas dit cela, parce qu’il croyait que tous les arguments des athées contre Dieu sont corrects, mais «leur conclusion est incorrecte», parce que les arguments «n’ont rien à voir avec cela».
Toutes les versions rationalistes de la religion (dans l’esprit du déisme, «religion du premier élan»), toute la théologie comme théologie rationalisée sont rejetées par Pascal du point de vue de «l’antinomie de la foi et de la raison». Il a vu avec perspicacité l’essence antichrétienne du déisme, notant dans Pensées: «Le déisme est aussi loin de la religion chrétienne que l’athéisme, qui lui est complètement opposé» (5: 557, fr. 449). Malgré toutes les «réserves les plus chrétiennes» de Descartes, il le considère comme un déiste et révèle les connotations antireligieuses de sa philosophie, dans laquelle le «culte de la raison» règne sur le «culte de la religion»: Je ne peux pas pardonner à Descartes le désir de se débarrasser de Dieu dans toute sa philosophie, mais il n’a pas pu se passer de Lui, en recourant au premier déclic divin pour mettre le monde en mouvement, après quoi il n’a plus besoin de Dieu» (5: 640, fr. 1001). Pascal résume sa compréhension de Dieu par la fameuse «dichotomie» dans le Mémorial: «Le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob, et non le Dieu des philosophes et des savants, créateur des vérités géométriques» (5: 618, fr.913). Le «Dieu personnel» n’est compris que de la manière indiquée par l’Évangile. L’idée de Pascal d’un «Dieu personnel» a plusieurs nuances sémantiques: 1) ce n’est pas l’Absolu transcendantal, un «être grand, puissant et éternel» devant lequel on tremble et vénère, mais un Dieu-sauveur existentiel, c’est-à-dire Jésus-Christ; 2) «Dieu personnel» – le maître de l’humanité, un idéal moral, à la suite duquel est le devoir personnel d’un chrétien; 3) en communication avec Dieu, l’homme n’est pas une «créature tremblante», mais une personne indépendante, dont la volonté interagit avec la volonté de Dieu: «Celui qui nous a créés sans nous ne peut nous sauver sans nous», tel est le leitmotiv des «Œuvres sur la Grâce»; 4) un tel Dieu est compris d’une manière uniquement personnelle à travers «l’inspiration»; 5) le culte extérieur passe au second plan devant «l’affection sincère» pour Dieu. Dieu ne favorise pas les églises, mais le cœur pur et doux du chrétien. Pascal fustige la «foi extérieure» dans l’esprit de la religion jésuite, qui n’affecte pas «l’homme intérieur» et se concentre sur les attirails rituels de la foi (voir «Lettres à un provincial»).
La perspicacité psychologique dans l’interprétation du phénomène de la foi, l’accent mis sur la liberté spirituelle de l’homme ont déterminé la tolérance de Pascal, qui n’autorisait ni la haine ni l’hostilité envers les infidèles et les athées, et s’opposait à la pratique de la violence en matière de foi (croisades , persécution des dissidents, Inquisition, «chasses aux sorcières») ” etc.). Il fait référence aux Évangiles, dans lesquels «il n’y a pas une seule parole dure contre les ennemis et les bourreaux de Jésus-Christ» (5: 603, fr. 812). Voici le credo de la position humaine de Pascal: «Dieu, qui gouverne tout avec douceur, attribue la religion à la sagesse et au cœur par la Grâce, mais le désir d’introduire la religion dans l’esprit et le cœur par la force et les menaces signifie ne pas inculquer la religion, mais horreur. Cela ressemble plus à de la terreur qu’à de la religion» (5: 523, fr. 172). Il identifie quatre groupes de personnes selon leur attitude envers la religion. Il inclut dans le premier groupe ceux qui ont trouvé Dieu et le servent fidèlement; ils sont vraiment heureux; Au second, ceux qui cherchent Dieu, mais ne l’ont pas encore trouvé, sont malheureux, mais pas désespérés. Le troisième groupe comprend les athées, qui ne croient fondamentalement pas en Dieu et à l’immortalité de l’âme; ils sont désespérés et malheureux. Enfin, au quatrième rang, ceux qui sont indifférents à la religion et vivent «au jour le jour», ils sont «fous» et aussi malheureux. Pascal plaint tous ces «malheureux», car ils sont déjà punis du fait même de leur incrédulité.
La nature existentielle immanentiste de la religion de Pascal transforme l’«Apologie…» conçue par lui en une procédure contradictoire: si la foi a besoin de justification et de protection, alors elle est menacée – le paradoxe de l’«Apologie…» surgit, ce que Pascal lui-même ressentait. Le «chemin de la raison», avec sa logique et ses arguments, ne peut pas conduire à la vraie foi, mais peut servir un objectif auxiliaire: troubler la paix des non-croyants, «ameublir le sol» pour l’émergence d’un intérêt pour les questions de foi, etc. ., pour autant que la raison ne dépasse pas les limites de sa compétence . C’est en vain que Voltaire, éternel ennemi idéologique de Pascal, «s’est moqué» de son fameux «argument du pari», le jugeant à la fois «enfantin» et frivole, ne correspondant pas à l’importance du sujet. Cet argument, bien sûr, ne peut pas conduire à la foi, mais il est tout à fait capable de «ébranler» la position d’un incroyant: si une vie terrestre finie et malheureuse est «hypothéquée», alors on peut «gagner» l’infinité d’une vie heureuse avec Dieu, et en cas de «perte» – rien à perdre. De plus, estime Pascal, la raison sauve l’homme de la «superstition», qui oppose la foi à la raison et présente la religion sous un «jour absurde et ridicule», alors qu’elle devrait être «saine et compréhensible». Il existe une opinion selon laquelle Pascal, en tant que scientifique, «a souffert d’un manque de preuves de foi» et a écrit les «Apologies…» pour lui-même (voir 7: 286). Mais il a une position très réfléchie dans laquelle «tout» a sa place. Pascal a sa propre «voie particulière» vers la religion, bien qu’il ait formellement, par l’intermédiaire de Port-Royal, appartenu au mouvement janséniste du catholicisme, condamné par le Vatican comme une « hérésie ».
Le monde de pensée de Pascal a eu une énorme influence sur toute la culture ultérieure. Léon Tolstoï l’a qualifié de «maître d’humanité» et l’a qualifié de «philosophe-prophète qui voit la vérité à travers les têtes des siècles». Pascal a anticipé un certain nombre d’idées de Leibniz, P. Bayle, Rousseau, Helvétius, Kant, Schopenhauer, Scheler et bien d’autres. etc. Les existentialistes font remonter leur philosophie à Pascal. Sa «métaphysique et sa religion du cœur» sont particulièrement proches de la culture russe. Florensky a trouvé chez Pascal «une affinité particulière avec l’Orthodoxie».
Littérature
1. Pascal B. Pensées / Trans. Ginzburg Yu. A.M., 1995.
2. Pascal B. À propos de l’esprit géométrique et de l’art de persuader // Streltsova G. Ya. Pascal et la culture européenne. Applications. M., 1994.
3. Pascal B. Conversation avec de Sacy à propos d’Épictète et de Montaigne // Ibid.
4. Pascal B. Lettres à un provincial. Saint-Pétersbourg, 1898.
5.Pascal V. Oeuvres complètes [par L. Lafuma]. P., 1963.
6. Streltsova G. Ya Pascal (Penseurs du passé). M., 1979.
7. Streltsova G. Ya Pascal et la culture européenne. M., 1994.