Le positivisme est l’un des mouvements les plus influents de la philosophie occidentale des deux derniers siècles. Le positivisme est passé par trois étapes principales dans son développement. La première étape est associée aux enseignements de Comte, Mill et Spencer. La deuxième étape est l’empirio-critique de Mach et Avenarius. Le troisième est le positivisme logique du «Cercle de Vienne» (ou le néopositivisme de Schlick, Carnap, etc.). Les partisans du positivisme sont unis par la conviction qu’il est impossible de construire une «vraie» métaphysique. Du point de vue du positivisme, les affirmations sur l’essence substantielle des choses ne peuvent être de nature scientifique. Rejetant l’ontologie comme pseudoscience intenable, les positivistes ne proposaient nullement l’abolition de la philosophie en tant que telle. Ils pensaient qu’une véritable philosophie («positive») devait contribuer au progrès de disciplines scientifiques spécifiques.
La méthode de mise en œuvre de cette tâche à différentes étapes du développement du positivisme a été interprétée différemment. La philosophie est une synthèse des connaissances scientifiques, y compris les principes et méthodes de base des sciences spéciales; elle élargit les horizons du scientifique et contribue à la réalisation de l’objectif principal de toute recherche scientifique: la prédiction d’événements futurs et l’application pratique de ces connaissances (O. Comte). La tâche de la philosophie est de nettoyer le contenu de la science des problèmes imaginaires, de fournir un «régulateur de la pensée scientifique naturelle» (E. Mach). La philosophie n’est pas un système de connaissances, mais un système d’actions pour clarifier le sens des phrases; «avec l’aide de la philosophie, les propositions s’expliquent, avec l’aide de la science elles se vérifient» (M. Schlick).
Fondateur du Positivisme Auguste Comte(1798-1857) est né à Montpellier dans une famille de fonctionnaire. Il étudie au Lycée, puis à l’Ecole Polytechnique de Paris. De 1817 à 1824, il travaille comme secrétaire à Saint-Simon et, à partir de 1832, il est professeur de mathématiques à l’École Polytechnique. L’œuvre principale de Comte est « Cours de philosophie positive » (vols. 1-6, 1830-1842). Au cœur de la philosophie de Comte se trouve la «loi des trois étapes», qui décrit l’évolution intellectuelle de l’humanité. Selon le penseur français, l’individu et l’humanité dans son ensemble passent systématiquement par trois étapes dans leur développement: 1) théologique, 2) métaphysique, 3) scientifique (positive). L’étape théologique (ou fictive) correspond à l’état infantile de l’esprit humain, incapable de résoudre les problèmes scientifiques les plus simples. Une personne, étant au premier stade de son développement, s’efforce d’acquérir (en fait inaccessible pour elle) des connaissances sur l’essence du monde, d’expliquer tous les phénomènes, de trouver les débuts de toutes choses. Un tel «besoin primitif» est satisfait d’une manière assez simple: les gens considèrent les phénomènes du monde extérieur, les expliquant par analogie avec leurs propres actions, reliant les événements en cours aux activités d’êtres surnaturels anthropomorphes. Comte divise l’étape théologique en trois étapes: fétichisme, polythéisme, monothéisme. Le fétichisme consiste à attribuer la vie à tous les corps extérieurs. Le polythéisme transfère la vie à des êtres fictifs spéciaux censés influencer activement le destin des gens. Le monothéisme se caractérise par la réduction d’un grand nombre d’êtres surnaturels vénérés à un seul. L’étape métaphysique (ou abstraite), comme l’étape théologique, est caractérisée par le désir de l’esprit humain d’atteindre la «connaissance absolue» des causes premières. La différence entre les deux premières étapes est que les principes mêmes d’explication de l’univers changent: la place des entités surnaturelles est désormais prise par des forces abstraites. Ces forces abstraites sont étudiées par une discipline particulière: l’ontologie, qui vise à expliquer la nature interne de toutes choses. Une caractéristique typique de l’étape métaphysique est un manque d’attention à l’observation et un intérêt accru pour l’argumentation spéculative, mal étayée par des faits. L’étape métaphysique, selon Comte, est de nature transitionnelle: son objectif est la destruction progressive de la pensée théologique et la préparation du terrain pour le triomphe futur de la méthode scientifique. L’étape positive (ou scientifique), selon Comte, est «l’état final de l’esprit humain». La principale caractéristique de l’étape positive est «la loi de la subordination constante de l’imagination à l’observation». Cela signifie qu’à partir de maintenant, au lieu d’étudier des questions sans réponse sur l’essence de l’être, une personne oriente ses efforts vers l’étude des faits et l’établissement de lois, c’est-à-dire les relations qui existent entre les phénomènes observés. «Le véritable esprit positif consiste principalement… à remplacer le mot «pourquoi» par le mot «comment» (2: 4, 81). L’impossibilité de parvenir à la connaissance de l’essence de l’univers, selon Comte,est prouvé par l’arbitraire théorique et l’inutilité pratique des tentatives antérieures des théologiens et des métaphysiciens. La vérité de la « loi des trois étapes » en tant que telle est prouvée, selon lui, par l’histoire générale des sciences. «Il n’existe pas une seule science qui ait atteint un état positif à notre époque, qui ne puisse être imaginée dans le passé comme étant principalement constituée d’abstractions métaphysiques, et même dans des temps plus lointains comme étant complètement dominée par des concepts théologiques» (1: 5). ).
La philosophie positive, selon Comte, est l’une des disciplines scientifiques. Il expose dans son contenu les résultats les plus importants de chacune des sciences fondamentales et examine leurs méthodes les plus générales. La philosophie positive réalise une synthèse générale des connaissances scientifiques (en même temps, elle n’est pas du tout identique à un simple ensemble de sciences, puisqu’elle n’inclut pas les innombrables détails entrant dans leur composition). La structure de la philosophie est révélée par la loi encyclopédique, qui établit la classification des sciences. Dans le «Cours de philosophie positive», la hiérarchie des sciences, dans laquelle la «loi encyclopédique» trouve son expression, est la suivante: 1) mathématiques, 2) astronomie, 3) physique, 4) chimie, 5) physiologie (biologie). ), 6) physique sociale (sociologie). La classification ci-dessus, selon son créateur, reflète à la fois la relation historique et logique (ou «dogmatique») entre les sciences. D’un point de vue historique, selon Comte, la hiérarchie qu’il propose reflète l’ordre d’émergence séquentielle des sciences. Ainsi, la classification est construite sur le principe du mouvement des sciences des plus anciennes vers les plus récentes. D’autre part, le principe dogmatique de construction d’une classification prévoit la prise en compte des liens mutuels entre les matières des sciences individuelles. Le philosophe français affirme que sa classification enregistre l’interrelation de phénomènes connaissables par diverses sciences. Bien que les sciences ne soient pas réductibles les unes aux autres, leur place dans la hiérarchie présuppose une dépendance certaine et par ailleurs constante: les disciplines incluses dans la classification doivent s’appuyer sur les précédentes et préparer les suivantes. D’un point de vue logique, les sciences se situent dans une hiérarchie selon les principes de mouvement: 1) du général au spécifique et 2) du simple au complexe (ces principes sont dictés par le rapport des phénomènes étudiés) . En outre, la «loi encyclopédique», comme le souligne Comte, reflète le degré de perfection des principales branches de la connaissance humaine. Cette perfection est déterminée par le niveau de cohérence entre eux et le degré d’exactitude des connaissances que possède telle ou telle science (la connaissance sera d’autant plus précise que les phénomènes qui font l’objet de la recherche seront généraux et simples). Il convient de noter qu’un inconvénient important de la classification des sciences de Comte est son orientation unilatérale vers les sciences naturelles.
Doctrine sociopolitique. Comte considérait que sa réalisation importante était la création de la physique sociale (ou de la sociologie – c’est lui qui a introduit ce terme dans l’usage scientifique). Il divise la physique sociale en statique sociale et dynamique sociale. La statique comprend trois éléments principaux. Il étudie les conditions générales d’existence sociale de l’individu, de la famille et de la société. Considérant l’individu, Comte identifie deux propriétés initiales, selon lui, de la nature humaine: la prédominance des capacités affectives sur les capacités intellectuelles et la prédominance des aspirations égoïstes sur les inclinations plus nobles. Analysant «la société en tant que telle», le penseur français parle de deux principes inextricablement liés et nécessaires à son existence: la division du travail et la coopération. Dans sa dynamique sociale, il défend l’idée de progrès. Selon lui, le progrès consiste à la fois dans l’amélioration constante de la vie matérielle des individus et (principalement) dans l’amélioration de leurs qualités intellectuelles et morales. Il considérait que le «principe prédominant» qui détermine en fin de compte le progrès de la race humaine était «le développement de la raison» (l’évolution intellectuelle dirige tout le cours de l’histoire humaine). Comte déclare que la «grande loi des trois étapes» est le «concept fondamental» de la dynamique sociale. En analysant cette loi, il cherche à justifier la relation entre le développement intellectuel et politique de l’humanité. L’étape théologique correspond au régime militaire, qui, en règle générale, reçoit l’entière approbation des prêtres; dans le même temps, la religion bénéficie d’un soutien important de la part des autorités, qui renforcent son autorité par tous les moyens. L’étape métaphysique correspond à un système militaire considérablement modifié: contrairement à celui d’origine, il perd son caractère offensif et acquiert un caractère défensif. Enfin, la diffusion de la pensée scientifique s’accompagne de la création d’un système industriel et des relations politiques particulières qui lui sont associées.
Comte estime que sa société contemporaine est dans un état de crise politique profonde, dont il voit la cause dans la présence du pluralisme des opinions: «notre maladie la plus dangereuse consiste en un profond désaccord des esprits sur toutes les questions fondamentales de la vie» (1: 21). Selon lui, la crise de la société ne peut être surmontée qu’avec l’aide d’une véritable doctrine philosophique: la diffusion progressive de la pensée scientifique conduira au triomphe complet du positivisme, qui, à son tour, prédéterminera les changements dans les institutions sociales. Dans la société du futur, selon Comte, la domination du gouvernement central est inévitable. Dans le même temps, il déclare catégoriquement l’inadmissibilité du pouvoir suprême du peuple. En même temps, il ne pensait pas que les différences de classe disparaîtraient un jour: au contraire, selon lui, la division des personnes en entrepreneurs et producteurs est inamovible et pleinement justifiée d’un point de vue scientifique. Les représentants du prolétariat doivent renoncer à leurs prétentions absurdes au pouvoir et à la richesse. Les entrepreneurs sont obligés de sauver les prolétaires de la pauvreté en utilisant judicieusement le capital qu’ils possèdent. Selon le philosophe français, dans la société du futur, la politique sera déterminée par la morale. La base de la morale positiviste est le principe d’altruisme (le terme a été introduit par Comte). L’altruisme présuppose l’élévation des intérêts publics au-dessus des intérêts personnels et agit comme le «principe de l’amour universel». La morale positiviste considère la valeur des individus non pas dans le fait qu’ils sont des êtres individuels uniques, mais dans le fait qu’ils constituent différentes parties d’un même organisme social. La devise de la morale positiviste est «vivre pour les autres». La moralité façonne l’opinion publique, grâce à laquelle les citoyens n’auront aucun doute sur leur comportement dans «chaque cas individuel». Le fondateur du positivisme croyait qu’un «ordre raisonnable» dans le domaine social s’établirait progressivement sur Terre, s’établissant d’abord en Europe (il prédisait la formation d’une République occidentale avec Paris pour capitale). Il convient de noter que dans la «société du futur» de Comte, tous les aspects de l’existence humaine sont strictement réglementés par le gouvernement central, une seule idéologie règne inconditionnellement, excluant complètement le pluralisme d’opinions, et le caractère unique de la personnalité humaine n’est pratiquement pas pris en compte. compte.
Dans les dernières années de sa vie, Comte a trouvé une justification à la religion de l’Humanité. Il a déclaré que «l’humanité est le véritable Grand Être» «qui a remplacé à jamais le concept de Dieu» (2: 5, 149). Les prêtres de l’Humanité sont des philosophes positivistes, et «la science acquiert un caractère véritablement sacré, comme base systématique d’un culte universel» (2: 5, 156). Le Culte de l’Humanité, selon Comte, nécessite l’introduction de nouvelles célébrations et rituels publics, la glorification des grands personnages et l’introduction d’un nouveau calendrier «positiviste». La philosophie positive doit devenir la «religion ultime».
John Stuart Mill (1806-1873) fut l’un des principaux représentants du positivisme britannique. Il fit ses études à la maison, de 1823 à 1858 il servit dans la Compagnie des Indes orientales (à partir de 1856 il la dirigea). Pendant plusieurs années, Mill fut député. Depuis 1841, il correspondait avec Comte (sans toutefois rencontrer ce dernier). L’œuvre philosophique principale de Mill est «Système de logique» (1843). Comme Comte, Mill considérait qu’il était impossible d’obtenir une «connaissance absolue» de l’essence des choses. Tout ce que les gens peuvent savoir sur le monde se résume aux sensations qu’ils éprouvent. Mais ces sensations ne révèlent nullement la nature intérieure des choses. Pour justifier cette position, Mill fait référence à la différence qualitative entre cause et effet: «un vent d’est n’est pas comme la sensation de froid, une brûlure n’est pas comme la vapeur d’eau bouillante. Pourquoi la matière devrait-elle ressembler à nos sensations? (5, 53). Mill définit la matière comme «la possibilité constante de sensation». Il réduit la causalité à une séquence de phénomènes. Il distingue trois types d’explication des lois de la nature: 1) décomposition d’une loi complexe (décrivant un «effet complexe») en lois simples (lois des causes de cet effet), 2) établissement d’un «lien intermédiaire» dans la séquence des phénomènes, 3) la réduction de lois particulières à une loi plus générale.
La principale méthode de recherche scientifique, selon Mill, est l’induction (en la matière, il poursuit la lignée de F. Bacon). Selon lui, «la base de toutes les sciences, même déductives, est l’induction»; «en ajoutant… syllogisme sur syllogisme, nous ajoutons en réalité une induction à une autre» (5: 201, 189). Dans le cadre du modèle inductiviste de cognition, il a développé quatre «méthodes de recherche expérimentale»: 1) similitudes («si deux ou plusieurs cas d’un phénomène à étudier n’ont qu’une seule circonstance en commun, alors cette circonstance… est la cause (ou la conséquence) de ce phénomène», 2) les différences («si le cas dans lequel le phénomène étudié se produit et le cas dans lequel il ne se produit pas sont similaires en toutes circonstances sauf une, qui ne se produit que dans le premier cas, alors cette circonstance… est une conséquence, ou une cause, ou une partie nécessaire de la cause du phénomène» ), 3) les résidus («si l’on soustrait d’un phénomène la partie de celui-ci qui, comme on le sait des précédents inductions, est une conséquence de certains précédents spécifiques, alors le reste de ce phénomène doit être une conséquence des précédents restants»), 4) les changements d’accompagnement («chaque phénomène, changeant d’une certaine manière, chaque fois qu’un autre phénomène change d’une certaine manière d’une manière particulière, il est soit une cause, soit une conséquence de ce phénomène, ou y est lié par une sorte de lien causal» (5: 354 – 365). Il est important de noter que l’application de l’induction, selon Mill, présuppose le principe d’uniformité de l’ordre de la nature.
Dans son essai «On Freedom» (1859), le penseur anglais prône le libéralisme politique. Il déclare ce qui suit comme principe général limitant le pouvoir de la société par rapport à l’individu : une personne doit avoir droit à tout ce qui ne nuit pas à autrui. Mill identifie trois aspects de la liberté politique: 1) la liberté d’opinion (concernant «tous les sujets possibles»), 2) la liberté de choisir des objectifs de vie (cela implique la possibilité de vivre conformément à ses opinions), 3) la liberté d’association (c’est-à-dire , rejoindre une association avec d’autres personnes au sein d’une organisation). Justifiant la nécessité de la liberté d’opinion, il affirme que: a) une opinion interdite peut très bien s’avérer vraie, b) même si l’opinion interdite est fausse, sa connaissance servira à mieux comprendre la vérité, c) une opinion interdite une opinion peut être partiellement vraie et seulement partiellement fausse (et par conséquent, tenter de l’écarter complètement retarderait le progrès de la connaissance scientifique). En affirmant le droit de l’individu d’organiser sa vie à sa guise, Mill fait référence à la diversité des caractères humains. Cette diversité, selon lui, nécessite des modes de vie différents. Différentes personnes ne peuvent pas se sentir également à l’aise dans les mêmes conditions. Seule la personne qui organise sa vie conformément à ses propres croyances développées de manière indépendante sera capable de véritablement développer toutes ses capacités. Mill fut l’un des premiers à déclarer le danger de l’émergence d’une «société de masse». Il a vu une tendance extrêmement négative dans la propagation d’un type particulier de «personne moyenne» qui n’a pas d’inclinations et d’idées autres que celles «généralement acceptées». Il pensait que le triomphe de l’homme «de masse» pourrait stopper le développement progressif de la société européenne. Le philosophe anglais a donc parlé de la nécessité de défendre les droits individuels de toutes les manières possibles. La liberté d’association, selon Mill, découle directement du droit des personnes de choisir leurs objectifs de vie. Il était opposé à une centralisation excessive du pouvoir et estimait qu’un nombre important de questions de la vie publique devraient être résolues au niveau du gouvernement local. Selon Mill, une forte augmentation du pouvoir du gouvernement est toujours préjudiciable à la vie de la société; il considérait la presse comme un moyen important contre les abus des responsables gouvernementaux. Le penseur anglais a critiqué la philosophie politique de Comte car, selon lui, elle conduit à l’instauration du «despotisme» et à la destruction de la liberté individuelle.
Herbert Spencer(1820-1903) – un représentant très influent du positivisme britannique. Il a reçu une formation technique et a travaillé comme ingénieur dans la construction de chemins de fer. Par la suite, Spencer devient employé du magazine Economist, puis mène la vie d’un scientifique en fauteuil engagé dans la mise en œuvre du projet de construction d’une «philosophie synthétique». Son principal ouvrage philosophique est «Les principes fondamentaux» (1862). Cet ouvrage contient la doctrine de l’Inconnaissable (Partie 1) et du Connaissable (Partie 2). Le connaissable est le domaine des phénomènes, l’inconnaissable est la réalité absolue qui sous-tend ces phénomènes. Dans la section sur l’Inconnaissable, Spencer parle de la possibilité de concilier les conclusions de la religion et de la science. Analysant les «idées religieuses ultimes», il déclare qu’aucune réponse satisfaisante ne peut être trouvée à la question de l’origine de l’Univers. Soit l’univers existe par lui-même, soit il s’est créé lui-même, soit il a été créé par une force extérieure. Les trois hypothèses ne sont compréhensibles que par des mots, elles ne peuvent pas être pensées de manière cohérente; de plus, il n’existe aucun moyen de garantir leur véracité. D’où la reconnaissance du fait que la force qui sous-tend tout est totalement inconnaissable. Cette conclusion est l’élément vrai commun à toutes les religions, qui contiennent en même temps de nombreuses idées erronées et absurdes. Considérant les «idées scientifiques ultimes», Spencer dit qu’il est impossible de comprendre l’espace et le temps soit comme des entités objectives, soit comme des qualités subjectives. De la même manière, la matière ne peut être pensée ni comme divisible à l’infini ni comme indivisible. (Si nous supposons une divisibilité infinie, nous devons suivre ces divisions infinies avec nos pensées, ce qui est impossible; si nous supposons l’indivisibilité, nous devons imaginer des particules qu’aucune force imaginable ne peut diviser, ce qui est également impossible). Reste à reconnaître que la matière, l’espace et le temps correspondent à une réalité qui ne peut être appréhendée. Ainsi, la science et la religion aboutissent au même résultat: l’acceptation de la thèse sur la présence d’un pouvoir illimité et incompréhensible, dont la manifestation est toute chose. Au début de la section sur le connaissable, Spencer examine la question de la nature de la philosophie. Alors que la science est une connaissance partiellement unifiée, la philosophie est une «connaissance pleinement unifiée». La tâche de la philosophie est la synthèse des connaissances scientifiques. La philosophie formule des conclusions du plus haut degré de généralité. Il cherche à englober tous les phénomènes spécifiques sous une seule loi générale. Cette loi générale décrit le cycle de changements subis par tout objet et inclut le processus intégral d’évolution et de décomposition. L’évolution, selon Spencer, est: a) l’intégration de la matière et la dispersion du mouvement, b) la transition de l’indéfini au défini, c) la transition de l’homogène à l’hétérogène. L’évolution de tout agrégat aboutit à l’équilibre (entre forces agissant de l’extérieur et de l’intérieur). L’équilibre étant instable (il peut être perturbé lorsque l’équilibre des forces extérieures change), l’agrégat doit inévitablement procéder à sa décomposition. La décomposition est un processusconsistant en la désintégration de la matière et l’absorption du mouvement. L’alternance d’évolution et de décadence caractérise le développement non seulement des objets individuels, mais aussi de l’Univers dans son ensemble. Le changement périodique des ères d’évolution et de décomposition s’est produit plus d’une fois dans l’Univers dans le passé et l’attend inévitablement dans le futur (de plus, les processus d’évolution sont toujours identiques en principe, mais différents dans leurs résultats, donc une répétition absolue de aucun cycle ne se produit).
Dans le cadre de son concept sociopolitique, Spencer considérait la société comme un organisme. Selon lui, les relations entre les parties de la société sont similaires aux relations entre les parties d’un corps vivant. Comme un organisme, la société est capable de croître, de complexifier sa structure ; la division du travail en elle est semblable à la «division physiologique du travail». Tout organe social, comme un organe corporel, possède des systèmes de nutrition, de distribution et de régulation. Spencer distingue deux types de sociétés apparues au cours de l’évolution de l’humanité. Le type de société militaire se caractérise par la domination d’un système de régulation externe, qui établit une coopération forcée des citoyens. Ce système rend difficile le changement de profession, de lieu de résidence ou de statut social. Les tentatives de création d’organisations non gouvernementales sont réprimées avec succès. Le pouvoir est centralisé; la structure de la société est adaptée à la lutte contre les États extérieurs. Le type de société industrielle (émergeant bien plus tard que la société militaire) repose sur un système de coopération volontaire, lorsqu’il y a un échange mutuel de services. Dans une telle société, il n’y a pas de pouvoir despotique, une masse d’organisations privées apparaît. Contrairement à l’armée, la société de type industriel est soumise à une régulation négative, mais pas positive (il existe un système d’interdictions, mais il n’y a pas d’instructions directes sur la manière dont chaque citoyen est obligé de vivre). En réfléchissant à l’avenir politique de l’humanité, Spencer a soutenu que les guerres cesseraient complètement et que le but principal de l’État serait d’empêcher les dommages que les membres de la société pourraient se causer les uns aux autres (l’État devrait exister pour l’individu, et non l’inverse) dans le même temps, une partie importante des fonctions du gouvernement sera à l’avenir reprise par des organismes publics.
Littérature
1. Comte O. Cours de philosophie positive. T. 1, Saint-Pétersbourg, 1900.
2. Comte O. Aperçu général du positivisme // Fondateurs du positivisme. Vol. 4-5. Saint-Pétersbourg, 1912-1913.
3.Kont O. L’esprit de philosophie positive. Saint-Pétersbourg, 2001.
4. Comte A. Cours de philosophie positive. T. 1 – 6. P., 1907 – 1908.
5.Mill D.S. Système de logique syllogistique et inductive. M., 1914.
6.Mill D.S. Utilitarisme. À propos de la liberté. Saint-Pétersbourg, 1869.
7.Les œuvres rassemblées de John Stuart Mill. 25 tomes. Toronto-L., 1963.
8.Spencer G. Principes de base. Saint-Pétersbourg, 1899.
9. Philosophie synthétique d’Herbert Spencer. K., 1997.
10. Spencer H. Travaux. 18 tomes. LNI, 1910.
11. Arnaud P. La pensée d’Auguste Comte, P., 1969.
12.Elliot HSR Herbert Spencer. L., 1917.
13.Lévy-Bruhl L. La philosophie d’Auguste Comte. P., 1900.
14.Packe M. La vie de John Stuart Mill. L., 1954.